Les méthodes d’apprentissage, fortement influencées par l’héritage du philosophe Descartes, fondateur du rationalisme moderne, ont longtemps survalorisé la raison au détriment de l’expression des émotions. Or, les émotions sont aussi importantes que le raisonnement rationnel dans la construction d’un individu. Leur rôle est clé dans la réflexion, les prises de décision et les relations humaines. Sans émotions, les décisions dites « rationnelles » peuvent devenir insensées, ce qu’explique le neurologue Antonio Damasio dans L’erreur de Descartes*.
Les émotions chez les enfants
La pédiatre Catherine Gueguen est spécialisée dans l’accompagnement de la parentalité à la lumière des neurosciences affectives. Dans son ouvrage Heureux d’apprendre à l’école* , elle note qu’au niveau cérébral « les zones dévolues aux émotions et à l’affectivité sont en relation constante avec les zones cognitives destinées aux fonctions intellectuelles».
Nous ne sommes pas tous égaux face à nos émotions. Prenons l’exemple d’un petit enfant. Les études montrent qu’il ne dispose pas encore d’une capacité cérébrale lui permettant de faire face à ses émotions. Ce qui explique pourquoi un enfant de 5 ou 6 ans se retrouvera dans des situations, où, submergé par des orages émotionnels, il ne pourra se raisonner ou prendre du recul car son cerveau ne lui permet tout simplement pas. Il est en réalité dominé par ses cerveaux archaïques et émotionnels. On comprend donc le rôle essentiel que joue l’attitude empathique et encourageante de l’adulte pour accompagner l’enfant à mieux contrôler et accueillir ses émotions.
En ce qui concerne l’apprentissage, la pédiatre Catherine Gueguen indique que « les enfants compétents émotionnellement ont des attitudes générales plus positives vis-à-vis de l’environnement scolaire et apprennent mieux (…). Plus les élèves savent partager, aider, coopérer avec leurs pairs, meilleure est leur réussite scolaire. La capacité à prendre la parole, à chercher de l’aide quand c’est nécessaire, à écouter les autres enfants ou les adultes, à coopérer est cruciale pour le bien-être dans la classe ».
Comme le cerveau des enfants est encore très malléable, ils ont besoin de nouer des relations qualitatives avec leur environnement familial, social et scolaire. Un(e) enseignant(e) qui soutient ses élèves, les encourage et les intéresse favorise la neuroplasticité du cerveau de ses élèves, ce qui stimule les circuits neuronaux et améliore l’apprentissage.
Adolescence et construction de soi
La période de l’adolescence est également une période tumultueuse car le cerveau est soumis à de multiples changements avant d’arriver à maturité intellectuelle et affective vers l’âge de 25 ans environ.
Ce sont les expériences que va vivre l’adolescent qui influenceront fortement le développement de son cerveau. La plasticité du cerveau à l’adolescence étant importante, l’adolescent sera plus sensible à son environnement et plus influençable. Il a davantage envie de prendre des risques et de s’affirmer. « Les régions au sein de son cerveau émotionnel deviennent hypersensibles à la sensation de récompense liée à la prise de risque. Il retire donc beaucoup de plaisir à vivre des émotions fortes » explique le docteur Gueguen.
A noter également que la plasticité du cerveau d’un adolescent le rend également plus vulnérable à certaines expériences transgressives comme la consommation de drogues qui peut entraîner des dommages cognitifs beaucoup plus importants qu’à l’âge adulte.
Toujours d’un point de vue scientifique, « la forte réactivité émotionnelle constatée chez l’adolescent est à mettre en relation avec une hyper-réactivité de l’amygdale et une faible activité du cortex préfrontal ». Face à des situations déstabilisantes ou génératrices de stress, l’adolescent passera par toute une palette d’émotions et de réactions, des sentiments de solitude et de rébellion que l’adulte pourra, parfois, avoir du mal à décrypter. Il peut être submergé comme l’enfant. Au fur et à mesure de l’amélioration des fonctions cognitives, l’adolescent parvient à mieux maîtriser ses émotions et à prendre davantage de recul, ce qui est bénéfique pour lui dans le cadre de ses relations sociales et affectives.
L’adolescent se construit aussi une identité différente de celle de ses parents. L’adolescence voit les liens avec les amis augmenter alors que ceux avec les parents diminuent. Ainsi que l’indique la pédiatre Gueguen, l’exclusion est ressentie par l’adolescent comme « un acte de grande violence ». La peur d’être rejeté est l’une des principales sources d’angoisse et de souffrance chez l’humain. Les études sur le cerveau indiquent que le rejet social est enregistré dans la même aire du cerveau que la souffrance physique, le cortex cingulaire antérieur (CCA). Enfin, une chercheuse à l’Université de Chicago souligne que « le sentiment d’appartenance sociale dépend moins de la fréquence des contacts ou du nombre de relations que du sentiment d’être accepté par un petit nombre de personnes considérées comme importantes pour nous ». On comprend donc la douleur que ressentent les enfants et adolescents s’ils sont mis à l’écart du groupe dans leur classe ou s’ils voient un camarade se faire rejeter.
En ce qui concerne l’apprentissage, les études montrent que « l’amélioration de l’apprentissage est associée, entre autres, à une meilleure connectivité entre le cortex préfrontal et le cerveau émotionnel. Cette connectivité progresse entre 8 et 25 ans. Ces changements structurels s’accompagnent de progrès dans le langage, la mémoire de travail, la capacité de jugement et la régulation des émotions et des impulsions ».
L’enfant et l’adolescent face à des situations de stress important
L’homéostasie, qui consiste à maintenir l’équilibre intérieur de notre organisme, est l’un des buts principaux de notre cerveau. Tant que le stress ne rompt pas cet équilibre, il est plutôt bénéfique en générant une envie de se dépasser. Toutefois, dès lors que le stress est trop important, l’enfant et l’adolescent peuvent se sentir écraser par la situation qui leur échappe, ce qui peut malheureusement engendrer des effets très négatifs sur leur santé physique, psychique, émotionnelle et intellectuelle. Physiologiquement parlant, l’enfant est beaucoup plus sensible au stress que les adultes. « Plus le cerveau est jeune et plus il est fragile (…). Le cerveau reste particulièrement fragile durant les périodes de l’enfance et l’adolescence ».
apprendre à mieux vivre ses émotions – Echange avec Caroline Sayegh*, coach en développement personnel spécialisée dans l’accompagnement des enfants et des adolescents
Le coaching en développement personnel figure parmi les outils permettant de travailler sur les émotions des enfants et des adolescents. Nous ne sommes pas forcément habitués à nommer nos émotions alors qu’elles sont une sorte de baromètre interne. Elles participent à notre construction personnelle. Elles nous renseignent sur nos souhaits et nos besoins profonds.
J’ai rencontré à ce sujet Caroline Sayegh* qui est spécialisée dans les méthodes d’apprentissage à Paris. Elle accompagne principalement les enfants, adolescents et étudiants afin qu’ils gagnent en confiance et s’autonomisent notamment lors de la préparation d’examens. Les séances de coaching qu’elle anime visent à leur fournir des outils pour qu’ils aient une meilleure estime d’eux-mêmes et puissent dépasser leurs appréhensions et blocages éventuels. A travers ces séances, elle constate que les relations sociales et la réussite scolaire s’améliorent lorsque les coachés font preuve de plus d’auto-empathie, ce qui diminue les comportements agressifs éventuels et les schémas de pensée négatifs.
Maître praticien, elle a recours aux techniques de la Programmation Neurolinguistique (PNL) qui permettent d’instaurer des comportements de réussite via un travail sur les émotions et les sensations.
Elle explique ainsi qu’« en travaillant sur les émotions et en aidant le jeune coaché à se mettre en situation de réussir son projet, en lui faisant ressentir dans son corps même les émotions que lui procurerait la réussite de son projet, il envoie des informations positives à son cerveau qui les enregistre. La répétition permet ainsi d’instaurer un nouvel ancrage positif ».
Passionnée de danse, elle propose également un travail sur le corps lors de ses séances, si elle sent que le jeune coaché pourrait être réceptif. Chacun étant différent, toutes les situations sont vécues différemment et donc, ce qui convient à l’un peut ne pas convenir à l’autre. Plutôt que des obstacles, les émotions sont de véritables alliés.
Pour aller plus loin
- Heureux d’apprendre à l’école, Comment les neurosciences affectives et sociales peuvent changer l’éducation: empathie, émotions, créativité et solidarité : les clés de l’école – Dr Catherine GUEGUEN
- L’erreur de Descartes – Antonio Damasio
- Caroline Sayegh reçoit chez Bliss Home, 17 rue de la Pompe 75116 Paris – [email protected]