TYPHAINE D

La première fois que je découvre les mots de Typhaine D sur internet, mes yeux me disent que quelque chose cloche. Il y a des fautes de frappe selon mes habitudes visuelles. Je vais donc regarder qui est Typhaine D. Lors de cette soirée, pour la première fois de ma vie je découvre le langage épicène et l’écriture inclusive. Quelle joie ! Je téléphone à mon amie Pauline et lui dis : Vas voir ce que fais Typhaine D c’est merveilleux. C’est à partir de ce jour que cette femme est rentrée dans mon coeur et elle n’en ressortira plus jamais. Son combat pour toutes les femmes du monde et un exemple pour nous toutes. Je vous invite avec tout mon coeur à découvrir ses mots. Sachez que vous ne serez jamais seule au monde, il y aura toujours, ce que je noues souhaite à toutes, Typhaine quelque part à nos côtés lors de nos combats respectifs.

Quel a été ton parcours ? 

J’ai toujours voulu devenir comédienne et les inégalités sexistes et les violences patriarcales que je percevais depuis l’enfance m’ont très vite mise en colère. Au terme d’années à mener de front mes études en art dramatique puis ma vie professionnelle, et mon engagement militant, j’ai pris la décision de mettre en cohérence mes métiers et mes convictions.

Depuis 10 ans, j’écris, mets en scène et joue des spectacles féministes : notamment deux seule-en-scène que j’ai créées comme des outils de conscientisation, de soin et d’imaginaire féministe : « Contes à Rebours » (qui est aussi devenu un livre), « La Pérille Mortelle » ma One Feminist Show (dont un extrait vient d’être publié dans l’ouvrage collectif « Droits Humains pour Tout·es » aux éditions Libertalia), et « Opinion d’une femme sur les femmes » un manifeste féministe d’une autrice de notre Matrimoine, Fanny Raoul (réédité aux éditions du Passager Clandestin).

Ces trois spectacles sont actuellement en tournée dans les pays francophones, enfin…la tournée reprendra quand les théâtres rouvriront. En attendant on peut en voir des extraits sur ma chaine YouTube Typhaine D, ainsi que d’autres textes comme mon discours sur les féminicides, pour lequel j’ai été lauréate du Prix Gisèle Halimi lors du concours d’éloquence de la Fondation des Femmes avec France Culture.

Je suis également professeuse de théâtre, conférencière sur divers sujets touchant aux Droits des Femmes, formatrice et coach en entreprises, pour des associations ou lors de séances de coaching individuelles sur l’égalité, l’assurance et l’estime de soi. Toutes ces casquettes me permettent de transmettre des idées et outils féministes, de la façon la plus large qu’il soit.

tu habitES Paris que T’INSPIRES cette ville ?

J’habite à Paris depuis 12 ans. Avant cela, j’ai grandi en banlieue parisienne, dans une petite ville nouvelle, où l’on connaissait vite tout le monde. J’ai d’abord été séduite par l’idée de pouvoir enfin trouver une solitude choisie dans cette foule, anonyme. Cette ville n’en finit pas de m’époustoufler par sa beauté, ses quartiers si divers et chargés d’ambiances qui nous transportent dans des univers et époques infinies.

C’est aussi une ville qui subit les violences des hommes dans l’espace public, ce qui la rend trop souvent irrespirable, et cela me met infiniment en colère contre eux. C’est enfin le lieu de vie et de lutte privilégié pour mes sœurs féministes et moi, ainsi qu’un centre culturel névralgique en France. C’est donc le cœur de mon militantisme et de mon travail artistique, là où résonnent tant de souvenirs, et là aussi où je me construis une famille de sœurs choisies.

J’espère qu’un jour Paris sera cette ville verte, durable, chargée de toits végétalisés, de potagers urbains, avec une circulation des voitures encore réduite, et des transports en commun verts et gratuits. J’espère que chaque femme se sentira pleinement en sécurité, quel que soit le quartier, quelle que soit la façon dont elle est habillée, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, qu’elle se trouve seule ou à plusieurs.

Le théâtre a-t-il toujours fait partie de ta vie ?comment y es-tu parvenue? 

Enfante, j’ai parlé tôt, et beaucoup. Exprimer mes idées, poser des mots sur mon imagination, et me plonger dans mille vies de mille personnages, faisait parti de mon quotidien.
Un jour que je regardais « Star Wars » à 4 ou 5 ans, j’ai annoncé que j’avais trouvé mon métier : plus tard, je serai Princesse Leila. Les adultes m’ont rétorqué que c’était impossible, car elle était fictive. J’ai répondu que non, je voyais bien une vraie dame dans la télé, moi. Alors on m’a répondu : c’est une actrice. C’était donc ça…

La décision a été prise ce jour là : comme Carrie Fisher, je serai actrice !

Ça me semblait bien la seule manière de sortir d’une petite vie étriquée, pour aller vers d’autres galaxie, mener bravement une armée de résistance contre l’oppresseur ! Bon, en fait, en dehors des voyages intergalactiques et de la coiffure en macaron, c’est un peu ma vie de féministe.
J’ai donc commencé le théâtre dès le CP, me suis orientée en option théâtre au lycée, puis suis allée pendant 4 ans me former en écoles professionnelles d’Art Dramatique. Cela fait une quinzaine d’année que je joue professionnellement.

Si je me suis souvent révoltée contre la misogynie des pièces et du milieu de la « culture » masculine prédominante, cet amour des arts qui permettent de transmettre les messages engagés par les émotions, l’empathie et l’imaginaire, ne fait que grandir en moi.

Quelle est la formation que tu recommanderai ?

Je n’ai malheureusement aucune formation à recommander aujourd’hui. Elle faudrait créer des écoles de théâtre féministes, dans lesquelles les profs ne mettraient pas sous emprise leurs élèves (c’est si facile lorsqu’on est dans cette position de pouvoir),  et empêcheraient que de très jeunes femmes soient constamment mises à nues au sens propre comme figuré. Des écoles qui se battraient pour que les femmes ne subissent jamais de violences sexuelles en scène et qui valoriseraient les rôles féminins…Bref des cours de théâtre où le #MeToo n’aurait n’existerait pas.

Elle nous faudrait des cours résolument engagées donc, comme je les mets en place avec mes propres élèves, enfants, ados et adultes, depuis 12 ans.

On créera peut-être cette école de théâtre féministe un jour ! En tous cas la demande m’est souvent faite, pour des cours amateurs comme professionnalisants.

Quel autre pays fait parti de ton histoire ?

J’ai passé beaucoup de temps dernièrement au Canada. J’avais déjà apprécié un voyage à Montréal elle y a quelques années à la rencontre de Sœurs féministes. Puis, à l’occasion d’une tournée de mes spectacles inoubliables à travers le Québec en mars 2019, j’ai rencontré là-bas des sœurs de luttes et de cœur. J’y ai d’ailleurs laissé une partie du mien, et j’y retourne dès que je la peux depuis. Cette ville est devenue une vraie partie de ma vie.

J’ai tellement arpenté Montréal et j’y ai semé tant de souvenirs qu’elle est la seconde ville que je connais la mieux, je m’y repère facilement, peut-être même davantage qu’à Paris quand j’y pense, avec son quadrillage de rues et de ruelles vertes (ou blanches une bonne partie de l’année). Une nouvelle tournée québécoise est en discussion d’ailleurs pour mars 2021, dans plusieurs villes : je croise les doigts.

Tu peux me parler un peu de « la Pérille mortelle » ? 

« La Pérille Mortelle », ma One Feminist Show, a été créé au mythique théâtre du Café de la Gare à Paris en mai 2019. J’ai appelé ainsi ce spectacle en riposte aux propos affolés des vieux misogynes couillocrates de l’immortellement incompétente et illégitime « académie française », qui prétendaient que l’écriture inclusive était un « Péril Mortel » pour notre langue. Venant d’hommes qui s’auto-appellent les « immortels » (d’ailleurs récemment encore, un immortels est mort…), s’eut été désopilant si ma colère ne l’avait pas emportée devant leur grossièreté sexiste.


J’ai donc commencé à écrire un texte à « La Féminine Universelle », une langue créée lors de l’écriture de mon spectacle « Contes à Rebours », en allant encore plus loin que ce que j’avais commencé à mettre en place avec « Contes à Rebours », qui par exemple commençait pas « Elle était une fois ». 


J’emmène les gens en Matriarcate, un monde où les femmes dominent les hommes et les violentent impunément depuis la nuit des temps, justifiant le bien-fondé de cette domination à partir de critères soit-disant naturels. Dans ce monde-là, « la féminine l’emporte sur la masculine », et une académicienne misandre vient reprendre les mêmes arguments que ceux des académiciens, en inversé. On rit beaucoup.
Force est de constater que ce sujet est plus que jamais d’actualité. Le journal très très à droite « causeur » s’en est pris à moi lors de ma tribune de mars dans l’Humanité. Même au Québec, les médias conservateurs ont tenté de ridiculiser mon travail et avec lui toute tentative de démasculiniser la langue. Tout en disant que ce sont là des combats désuets, les réactionnaires usent beaucoup d’encre, noyant leur manque d’arguments dans des tentatives d’humiliations des féministes, et prouvant ainsi que ce sont au contraire des sujets capitaux.

Je suis donc pleinement motivée pour aller toujours plus loin, en proposant avec mon écriture et mes spectacles, des façons féministes de dire le monde et d’élargir nos horizons !

Quelles sont tes sources d’inspirations ?

Mes premières sources d’inspirations sont mes soeurs féministes, ma Gang, comme on s’appelle. Ce sont des amies, des camarades de Luttes et de créations, et des femmes formidables, courageuses, intelligentes, aux mille compétences et talents. Nous noues soutenons les unes les autres, nous noues donnons des forces et noues partageons des connaissances. C’est très importante.


D’une manière générales, les féministes du monde entier contemporaine ou de notre matrimoine, que j’ai rencontrées, lues, étudiées, écoutées, m’apprennent et m’inspirent chaque jour. 
Sur la question du langage, j’ai été très encouragée par les travaux d’Aurore Evain et d’Eliane Viennot par exemple.


Sur la question des violences et des soins, je dois beaucoup à la psychologue féministe Annie Ferrand, à la psychiatre et psychotraumatologue Muriel Salmona, à la chercheuse, artiste et thérapeute Laura Carpentier Goffre, ou encore aux formations du Collectif Féministe Contre le Viol.
Pour la musique, je m’abreuve d’Anne Sylvestre, Tracy Chapman, Joan Baez, Rhiannon Giddens, beaucoup de musiciennes engagées. Nous en proposons d’ailleurs des reprises avec la musicienne féministe Sandrine Sand, pour faire connaitre ces chansons féministes qui nous font du bien, et donner des informations sur les artistes, les significations des chansons, etc. Vous pouvez retrouver toutes ces chansons sur ma chaine Youtube Typhaine D.

Pour la littérature, Chimamanda NGozi Adichie, Maya Angelou, Virginia Woolf, Valérie Solanas, Alice Walker, Annie Ernaux, ou la poétesse lesbienne Renée Vivien (que j’appelle Renée Vivienne) dont Sandrine Sand et moi avons mis en musique un de ces poème.Pour l’éloquence pleine d’émotions, de poésie, d’humour flamboyant et de panache, Christiane Taubira ou Hannah Gadsby.


Pour le féminisme, en dehors des associations auprès desquelles je milite, comme Osez Le Féminisme, je pense à Andréa Dworkin ou Christine Delphy (je dis souvent que le D de Typhaine D est pour leur rendre Femmage à toutes les deux).Cette liste est tout à fait non exhaustive, et j’envoie des flots d’amoure sorore et de reconnaissance à toutes celles qui ne sont pas citées là, mais me donnent tant de forces. D’ailleurs, suite aux attaques et diffamations dans les médias français ou québécois, suivi de harcèlement, dont je viens d’être une des victimes, une  vague de soutien sorore a émergé, et j’en suis infiniment touchée. C’est cela la force du mouvement féministe, et c’est cela qui m’inspire chaque jour, me donne espoir, et me tient debout, debout et encore debout !

Le site de Typhaine D

Tu as gagné le concours d’éloquence organisé par la fondation des femmes.peux tu me parler du discours que tu as fais ?

Lorsque la Fondation des Femmes m’a contactée pour participer à ce concours, j’ai hésité un instant, car je suis contre la mise en compétition des femmes. D’ailleurs quelques mois plus tard, lorsqu’on m’a proposé à mon tour d’être « Présidente du jury » lors d’un concours d’éloquence organisé par la Mairie de Paris, j’ai fait en sorte qu’elle n’y ait pas de présidente, mais simplement des co-jury égalitaires, et j’ai imposé un nouveau fonctionnement sorore : elle n’y a pas eu un premier, deuxième ou troisième prix et des perdantes autour, désoeuvrée injustement, mais bien seulement des gagnantes.

Le travail du jury consistait à donner un nom pertinent au prix de chacune, mettant en lumière la principale qualité de sa prestation : « prix de l’humour », « prix de la recherche », « prix de la poésie », etc.J’ai finalement accepté de participer au concours d’éloquence de la Fondation des Femmes avec France Culture, quand j’ai appris que nos messages féministes allaient pouvoir être diffusés massivement, à Radio France et en ligne ; et aussi que le jury allait être présidé pas la Ministre Christine Taubira, que j’admire et qui m’inspire infiniment, précisément par sa verve, son éloquence intelligente, érudite, impertinente, déterminée et si digne. Les actrices que j’apprécie pour leur engagement féministe et leur talent, Julie Gayet et Anna Mouglalis, étaient aussi membres du jury.

Les thèmes et l’ordre de nos passages nous ont été imposés, tirés au sort. Je devais ouvrir le concours en parlant de la fin, de la fin terrible du continuum des violences patriarcales : les féminicides. En juin 2018, peu de personnes en France, en dehors de nos cercles féministes, connaissaient ce mot, qui désigne le meurtre d’une femme par un homme, parce qu’elle est une femme et parce qu’il est un homme en patriarcat, et donc pense avoir un droit de vie ou de mort sur elle.

Heureusement, grâce à l’action des colleuses contre les féminicides, initiative lancée par l’artiste militante si talentueuse et courageuse Marguerite Stern, et à toutes les militantes engagées, nous parlons d’avantage de ce génocide des femmes comme un fait de société mondial et multimillénaire, et non plus comme la sommes d’histoires individuelles. Les pouvoir public devraient mettre enfin en place des mesures fortes et des moyens à la mesure de l’urgence de santé publique liées aux violences des conjoints, et des hommes en général contre les femmes et les enfants.


Nous avions 10 jours pour écrire le discours, j’y ai réfléchi et ait écrit surtout la veille et le jour même, c’est ainsi que je travaille, d’autant que j’avais plusieurs échéances importantes les jours précédents.J’ai dépassé le temps prévu de 4 minutes, et j’en ai été désolée, mais j’avais tant de messages à faire passer.


Je voulais rendre Femmage aux Héroïnes victimes, nos soeurs assassinées qui noues manquent, sur toute la terre, depuis les bébés tuées parce que nées filles en Inde ou en Chine, au féminicide de masse de l’école polytechnique de Montréal à la fin des années 80, ou en pensant à Krisztina Rády et Marie Trintignan et toutes les femmes assassinées par des conjoints ou ex-conjoints, ou encore celles persécutées parce que lesbiennes, ou forcées de recourir à des avortements clandestins mortels, ou celles qui meurent des suites de ces violences sexuelles que sont les mutilations génitales féminines…

Le féminicide a tant de visages, de visages de femmes, et aussi un seul, celui de la haine misogyne des hommes.Je voulais aussi faire entendre, une fois pour toutes, que les féministes sont des résistantes admirables, non pas des extrémistes comme ils voudraient noues le faire croire : les hommes violents sont les extrémistes de cette cruelle histoire. Ce sont eux qui violent et tuent. Noues sommes les résistantes, en légitime défense. Je voulais élever l’empathie pour nos soeurs tombées ou survivantes, donner envie de militer, de se révolter en sororité, et je voulais, même, faire rire, pour noues donner les forces de lutter.


Pour cela, j’ai utilisé ma langue à la « Féminine universelle », que Christiane Taubira a salué en me remettant le prix Gisèle Halimi (ce qui énerve infiniment les journalistes qui sont à la fois misogynes et racistes, encore cette semaine dans « causeur »). J’étais très émue, le discours a été vu plus de 300 000 fois en ligne depuis, j’espère qu’il continuera de circuler tant que ce sera nécessaire, et j’ai reçu beaucoup de messages émouvants, encourageants, inspirants, qui me donnent des forces pour poursuivre le combat !

Tu féminises la langue française est ce comme çela qu’on dit? un LANGAGE épicène c’est quoi ?

Un langage épicène est un langage qui privilégie des formules non sexuées. Par ensemble, au lieu de dire mettre sur la porte dans l’entreprise : bureau de « la directrice » ou « du directeur », et devoir changer à chaque nomination, on peut opter simplement pour la formule neutre : « bureau de la direction ».

L’écriture inclusive est, elle, le fait de prendre en compte dans le langage, et donc dans les pensées, et donc dans la réalité, les deux sexes. Elle comprend l’usage des termes épicènes évoqués plus haut, également l’utilisation du doublement des mots (dire bonjour à « toutes et à tous », au lieu de ne saluer que les hommes dans la salle en disant « bonjour à tous »), ou encore l’usage du fameux point médian à l’écrit, par exemple écrire : les collégien·nes.

Également, l’écriture inclusive ne respecte plus la règle inique « le masculin l’emporte sur le féminin ». Celle-ci date du 17ème siècle, lorsque Richelieu et ses copains masculinistes nobliaux de la toute nouvelle académie à l’époque, ont pris la décision politique d’inscrire l’idéologie de la domination des hommes contre les femmes dans leurs nouvelles règles de grammaire, tout aussi illogiques et arbitraires qu’oppressives. Au contraire, l’écriture inclusive privilégie : la règles logique de proximité (accorder avec le mot le plus proche de l’adjectif, exemple : « les hommes et les femmes sont heureuses ») ; la règle juste de majorité (exemple : Virginia, Didier et Maya sont heureuses) ; ou encore la règle de choix quand on ne sait pas exactement si l’on ne connait pas le nombre de sujet féminins ou masculins (exemple : « Nous étions une large foule. Nous étions heureuses »). Cette écriture fait revenir aux évidences que le masculin avait emporté dans son funeste sillage, pour dire par exemple : « on ne nait pas femme, on LA devient ». Ce qui tombe quand même sous le sens.

Ou encore, l’écriture inclusive permet de nommer les métiers et fonctions occupées par des femmes correctement, avec les mots légitimes et historiques qui conviennent tout à fait à les désigner. Cela nous habitue dès l’enfance à considérer que les femmes sont pleinement légitimes dans ces carrières-là : autrice, maîtresse de conférence, avocate, professeuse, cheffe, etc.


J’encourage à lire sur ces questions les travaux d’Aurore Evain et d’Eliane Viennot, qui expliquent très bien l’histoire de la masculinisation politique du langage au 17ème siècle à cause de Richelieu and co, les résistances depuis des patriarches, et l’incompétence crasse de l’illégitime académie française sur ces questions.

Si dans la vie courante j’utilise ces procédés parce que je refuse d’obéir à un cardinal décédé et ses potos misos, en revanche dans mes créations artistiques féministes, littéraires et théâtrales, j’utilise une langue féministe que j’ai inventée, théorisée et nommée ainsi : « La Féminine Universelle ». Elle n’est plus ici question d’égalité, mais de mettre « joyeusemente les opprimées en avante » et cela tant qu’elles seront opprimées. Tant que l’oppression masculine ne sera pas abolie, et que la majorité du monde s’exprimera sans vergogne au masculin universel, je continuerai fièremente à proposer de faire entendre les femmes dans la langue, la plus possible, et à noues « rendre Femmage » !

Beaucoup d’autres artistes et de chercheuses font d’autres propositions variées de langage non-sexistes, depuis des années, des siècles même. Et trop souvent on ne connait pas ces travaux, ces trouvailles, puisqu’ils sont passés sous silence, et on se retrouve à devoir tout réinventer à partir de rien, tous les 40 ans.

C’est ce qui s’est passé pour le terme « Femmage » par exemple, qui énerve tellement les masculinistes de droite ces derniers jours, que j’ai inventé au cours de mon écriture de « Contes à Rebours » et fait connaître depuis : le mot est de plus en plus utilisé, même par des personnalités politiques ! 
On m’a informée récemment que des femmes, dont les travaux n’ont pu nous parvenir malheureusement, l’avaient inventé aussi avant : j’aurais été heureuse de la savoir plus tôt, cela m’aurait fait gagner du temps, et j’aurais sans doute pu, poussée par ce savoir et cette légitimité de l’apport de nos ainées, faire plus de trouvailles encore !


Alors, pour que nos petites soeurs puissent enfin s’appuyer sur nos travaux féministes, pour aller toujours plus loin, pour que les oppresseurs ne puissent plus invisibiliser la matrimoine derrière le patrimoine, voir instrumentaliser nos trouvailles à leur profit, parlons de nos travaux à chacune, « rendons à Cléopâtre ce qui est à Cléopâtre », comme je dis 😉 ! C’est aussi là une grande force de la sororité.

Tu peux me parler de l’association « Osez le féminisme » ?

Jeune comédienne mise très en colère par les inégalités, discriminations et violences sexistes que je subissais, notamment dans mon métier, m’ont fortement mise en colère et j’ai cherché à rencontrer des féministes et m’engager à leur côté. L’association Osez Le Féminisme avait été créé quelques mois plus tôt, je me suis rendue à une réunion publique, et ça a été la révélation : j’allais y commencer mon parcours de militante féministe !


Nous nous sommes alors formées les unes les autres sur des thématiques larges et variées, touchant aux droits des femmes. Nous avons créé pour cela des groupes de travail thématiques, organisé des campagnes, des week-ends de formations, et prise de plus en plus la parole dans les médias. Nous avons travaillé pour cela avec de nombreuses autres associations féministes et de terrain. Notre but : augmenter le niveau de féminisme dans la société et faire avancer les pouvoir public pour de meilleures lois, garantir plus d’égalité dans les faits et offrir davantage de moyens à la lutte contre les violences et au soutien des Héroïnes victimes.

Si j’ai quitté le CA d’Osez Le Féminisme, c’est notamment pour avoir davantage de temps à consacrer à mes métiers et créations, qui sont aujourd’hui mes principales armes de Luttes, je reste très proches de l’association. Je soutiens leurs campagnes formidables de mon mieux (par exemple « Les Frangines » sur la sexualité des ados, « Naissances Lesbiennes », leur livre de témoignages inspirants qui sortira à la rentrée, etc) et elles sont martenaires de mes spectacles.

Cette entraide sorore est un honneur pour moie, j’en suis très heureuse, et je trouve leur travail admirable. Elles m’apprennent toujours beaucoup, car l’association ne cesse d’évoluer de façon admirable, vers des sujets et des publics toujours plus variés, avec des antennes locales pour un rayonnement dans toute la France, et au-delà.

Entrer en féminisme a été la plus belle aventure de ma vie, la plus décisive aussi.

Peux tu me raconter un des plus beaux jours de ta vie?

J’hésite entre le jour où j’ai fait rire à gorge déployée un public de théâtre pour la toute première fois, alors que j’étais encore étudiante en école de théâtre. Ou celui du concours d’éloquence où Christiane Taubira m’a dit des phrases précieuses, que je n’oublierai jamais et qui m’accompagnent. Ou d’autres.Mais je crois que je vais choisir le jour où j’ai rencontré, sur la route des départs en vacances, abandonné, Ponto, le chien avec qui j’ai la chance de vivre.

C’était elle y a plus de 10 ans, on ne s’est plus quitté·es, et notre amour est un socle, une force constante. Cette amoure m’a donné l’impulsion d’adopter plus tard ces deux petites soeurs chiennes, rencontrées elles aussi au hasard des routes des vacances, minées d’abandons et de nombreuses maltraitances. Ponto a aussi joué un rôle clé dans ma décision de devenir végane et militante anti-spéciste. Et, toutes les fois où je doute et où j’ai des idées sombres avec des pensées négatives ( Je n’ai pas de chance par exemple) Ponto me regarde er je reprends confiance en moi et en la vie.

Pourquoi cette nécessité de jouer des personnages?

 Je ressens l’urgence  de rendre justice aux personnages de notre imaginaire commun, et à nous toutes. J’ai surtout besoin de traverser des histoires, des émotions, des vécus, des caractères, pour porter des messages qui parviennent au coeur, car ils montent ensuite  toujours mieux au cerveau. Je souhaite participer à retisser l’empathie détruite envers les opprimées.

Même quand j’interprète  des personnages très différentes de moi, et ce qui est toujours un plaisir bien sûr, il me semble que je joue toujours une des facettes de ma personnalité, et que je défends toutes mes personnages, pour noues défendre toutes.

y a-t ‘il des moments qui ont été des déclics dans ta vie?

Le soir où je suis entrée en féminisme pour la première fois, lors d’une réunion publique organisée par les militantes d’Osez Le Féminisme, toute jeune asso à l’époque. C’était à l’hiver 2009 2010, elle y a dix ans, et j’ai eu l’impression de trouver mon chez moie dans ce mouvement féministe, dont je ne suis jamais sortie !


Plus tard, je parlerais aussi du moment où j’ai pris la décision de quitter le milieu masculiniste du théâtre et du cinéma pour porter mes propres spectacles féministes. Un metteur en scène médiocre, dans une pièce classique où je jouais le rôle principal féminin, sur une grande scène nationale, m’a ordonné de m’épiler les jambes et les aisselles. Autant vous dire qu’au 17ème siècle au moment où se déroule la pièce, l’épilation n’était pas une question de société, et que le public d’une salle de plus de 800 places aurait peiné à compter mes poils de chevilles, même avec des jumelles de théâtre. C’était une façon pour lui de tenter de me remettre à ma place de petite actrice sexualisée devant toute la troupe : il ne supportait pas que je joue une héroïne digne et intelligente, et surtout que je connaisse et comprenne visiblement bien mieux la pièce que lui.

J’ai évidemment refusé. Et là, il a prononcé à peu près ces mots : « tu te les épiles ou je viendrai avec un rasoir dans ta chambre te les raser la nuit ». Nous étions en tournée, plusieurs hommes de l’équipe m’avaient repérée en tant que féministe abolitionniste et m’avaient conter le récit des violences sexuelles qu’ils avaient commises. J’avais peur. Je me retrouvais à lutter contre des agressions misogynes dans le cadre de mon travail, moi qui faisais déjà par ailleurs des formations et conférences sur la « culture du viol » (je préfère dire « propagande des violeurs »), le sexisme et les violences dans le monde traditionnel (donc fait par et pour les hommes) de la « culture ».

C’était une énième agression sexiste dans une énième troupe.En plus, nous étions toujours très mal rémunérées pour notre travail dans ce type de projet. Il fallait toujours donner de soi dans l’espoir vain de finir par être repérée pour pouvoir espérer enfin en vivre plus tard.J’ai décidé que ça ne pouvait plus durer.

J’ai commencé à quitter un à un les projets dans lesquels je m’étais impliquée et qui étaient menés par des hommes. Quelque temps plus tard, alors que la pièce avait été vendue en tournée grâce à mes représentations, le metteur en scène m’a appelée pour me virer, avant que je n’ai le temps de démissionner moi-même.

J’ai pu alors me consacrer à écrire, mettre en scène, et jouer mes propres spectacles engagés pour les droits des femmes, ceux des enfants et défendre la cause animale. Les spectacles sont toujours en accord avec les messages que je porte, je ne me trouve plus en situation d’être agressée ou mise en danger dans le cadre de mon métier et je prends  aussi soin des femmes dans la salle : je pense que nous sommes plusieures à créer ainsi un mouvement artistique féministe ! 

Quelle est ta mission dans le monde ? 

Le changer. L’améliorer. Avec tous les outils dont je dispose aujourd’hui: spectacles, écrits, formations, coaching, conférences, cours, rencontres… Encourager la Sororité, qui est l’arme principale pour l’abolition du patriarcat. En étant solidaire, on a le pouvoir de créer une communauté qui pourra permettre une force plus grande face à l’adversité. C’est ce que j’ai voulu exprimer lors de mon discours sur la sororité, le 8 mars dernier, lors de l’énèvement Debout Citoyennes au Zénith de Paris. (on peut en voir la vidéo sur ma chaine YouTube Typhaine D.)
Je me bats chaque jour, de toutes mes forces et je tiens bon malgré les représailles anti-féministes, pour abolir l’ensemble des violences et des discriminations, quelles qu’elles soient, et leur massive impunité : car c’est bien cela, la féminisme. 

Je crois que noues avons le pouvoir, ensemble en sororité, de faire naître un monde où noues pourrons vivre en paix, un monde durable, empathique pour chaque Être vivant : soyons féministes !

Cet article a été terminé en écoutant Ani DiFranco – Both Hands

À propos de l'auteur ...

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Julie Duval

Comédienne, actrice, metteuse en scène, boxeuse. Julie Duval à grandi dans le sud de la France à Fréjus. Ce qu'elle aime plus que tout c'est écrire, jouer et donner vie à des personnages qu'elle affectionne par le biais de l'observation.

Elle passe son enfance dans la nature et au bord de la plage avec ses parents et sa soeur, à cette période Julie va développer son sens de l'observation et découvrir la préciosité des choses, à travers les détails. C'est à l'âge de 19 ans qu'elle va quitter les siens pour découvrir une nouvelle vie à Paris.
Elle tombe amoureuse de la littérature, de la scène et s'entoure en créant, en cherchant et en s'interrogeant sur le monde d'aujourd'hui et l'avenir de demain. En parallèle Julie pratique la boxe thaïlandaise. Son corps est une arme et elle s'en sert sur scène et dans la vie comme un moyen d'expression puissant. Transmettre, écouter, transformer, Julie aime passer du temps avec les gens c'est sa plus grande source d'inspiration.
Julie aime la dolce vita de Dior c'est son tout premier parfum.