Sous ses airs de femme enfant, Chloë est en réalité une véritable combattante, qui semble déjà avoir vécu mille vies. Propulsée dans le monde impitoyable du cancer pédiatrique aux prémices de sa toute première maternité, elle en est ressorti profondément marquée. C’est grâce à la magie de la thérapie par l’écriture, à la puissance de la sororité et à l’Amour que Chloë a su malgré tout se rediriger doucement vers la lumière.
A l’occasion de Septembre en Or, mois de sensibilisation aux cancers pédiatriques, c’est avec un immense honneur et une profonde émotion que je partage avec vous le portrait d’une jeune maman qui a mit au monde une petite guerrière nommée Soley.
Comme le souligne si justement Chloë dans son premier livre paru au début du mois aux éditions Michalon, on ne parle que très peu du cancer qui touche les enfants, puisqu’il s’agit de loin du pire cauchemar de tous les parents. Et pourtant, en France, ce sont chaque année près de 1800 enfants qui sont diagnostiqués d’un cancer. Parmi eux, 180 sont des bébés de moins d’un an.
Les cancers de l’enfant ne ressemblent pas à ceux de l’adulte. Ils sont beaucoup plus rares et représentent 1 à 2% de l’ensemble des cancers. Aujourd’hui grâce à des avancées notables sur les quatre dernières décennies, 8 enfants sur 10 guérissent. Cependant, il reste la deuxième cause de mortalité chez les moins de 15 ans, après les accidents. La recherche de nouveaux traitements doit donc se poursuivre pour améliorer le pronostic des cancers pédiatriques et limiter les séquelles des traitements.
Pour les parents immergés soudainement dans cette nouvelle réalité, c’est un véritable traumatisme que les psychiatres comparent sans aucune exagération à une situation de guerre.
A travers son récit bouleversant, Chloë n’hésite d’ailleurs pas à utiliser tout le champ lexical de la guerre qu’elle retrouve d’ordinaire dans ses manuels d’histoire pour parler de ce nouveau monde dans lequel elle vient d’atterrir malgré elle : le monde du cancer. Cette métaphore vient ici souligner a quelle point la situation des parents et des enfants malades est insoutenable à bien des égards. L’annonce, les traitements, la peur, les souffrances… viennent s’ajouter au tabou qui entoure encore ce sujet pourtant si réel de notre société.
En effet, a l’instar du deuil périnatal, le cancer pédiatrique propulse les parents dans une solitude extrême durant toute la maladie, et davantage encore au dela, lorsqu’à la fin de la bataille le petit guerrier ne parvient pas a vaincre. Non pas parce qu’il n’est pas assez fort, mais parce que la recherche est encore bien trop faible.
Chloë, bonjour et merci de rejoindre les Amazones Parisiennes aujourd’hui.
Peux tu te présenter en quelques lignes?
Bonjour, je m’appelle Chloë, j’ai 33 ans et je suis la maman de 3 enfants : Soley, qui est décédée à 11 mois, Liv qui a 5 ans, et bébé Niels. Je vis à Toulouse et je suis professeur d’Histoire-Géographie au collège. J’ai également été membre du groupe « Parents-soignants face à l’éthique en pédiatrie » de l’Espace éthique Ile-de-France à l’Institut Curie.
Ton premier livre est sorti le 1er septembre dernier, à l’occasion de Septembre en or, le mois de sensibilisation aux cancers pédiatriques. Peux tu nous en dire un peu plus?
Ma fille aînée, Soley, a été diagnostiquée d’une tumeur cérébrale très agressive (ATRT) en 2013 alors qu’elle venait d’avoir 3 mois. Assez rapidement, j’ai commencé à prendre des notes sur notre nouveau quotidien dans ce que j’ai appelé « le monde du cancer », à écrire des statuts facebook et des posts de blog pour raconter les 8 mois de combat de mon bébé et la réalité du cancer pédiatrique. Après son décès, j’ai continué à écrire sur le thème du deuil et de cette maternité désenfantée qui était devenu la mienne. De tous ces fragments de textes ébauchés au fil des années, j’ai tiré un livre, « Tout ce que peut l’amour », qui vient d’être publié chez Michalon.
Tel un fil rouge, l’écriture ne t’a donc jamais quitté, du diagnostique à aujourd’hui. Ainsi, peut on dire qu’elle a constitué une sorte de thérapie pour toi? et que ces rituels d’écriture ont été un véritable soutien vers une reconstruction qui semblait pourtant totalement inespérée?
Je crois effectivement que l’écriture est un instrument puissant et presque magique. Au début de mon livre je partage une citation de Karen Blixen qui dit : « Toutes les peines on les peut supporter si on les fait rentrer dans une histoire, ou si on peut raconter une histoire sur elle ». Écrire ça a aussi été une manière de maintenir le dialogue, à la fois avec Soley et avec mes proches, à des périodes de ma vie où c’était très difficile de communiquer, car j’avais l’impression d’être tellement isolée que c’etait comme si je parlais un autre langage. Quelque part c’était une façon de ne pas complètement se replier, et donc de rester dans la vie.
Dans ce tunnel sans lumière, quels ont été tes autres alliés?
Même si je ne le pratique pas aussi régulièrement que je le souhaiterais, le yoga m’a beaucoup aidé, tout comme la méditation, notamment pour les troubles du sommeil. Mais c’est surtout la puissance de la sororité, à travers notamment les retraites organisées par l’association « Renaître », qui a littéralement changé ma vie. Le fait de rencontrer d’autres mères qui avaient perdu leur bébé a été véritablement salvateur, car ces amitiés viennent enfin rompre l’isolement dans lequel le cancer, puis le deuil m’avait mit.
Aujourd’hui quels projets aimerais tu mettre en lumière et comment nos lectrices peuvent-elle les soutenir?
J’aimerais mettre en avant les travaux de recherches du Dr Bourdeaut à l’Institut Curie. En effet, si certains cancers pédiatriques se soignent bien, pour d’autres nous n’avons toujours pas de solutions thérapeutiques : aujourd’hui, 1 enfant diagnostiqué sur 5 meurt encore de son cancer. Le programme SIREDO (Soins, Innovation, Recherche, en oncologie de l’Enfant, de l’aDOlescent et du jeune adulte), à l’Institut Curie est spécifiquement dédié aux cancers pédiatriques. Ainsi, plus de 70 scientifiques, 5 équipes de recherches et une cinquantaine de soignants se mobilisent pour accélérer encore le combat contre les cancers touchant les plus jeunes. Leur but étant d’assurer les meilleurs soins en cancérologie aux enfants, d’accentuer les efforts de recherche tant clinique, translationnelle que fondamentale. Ainsi, on peut facilement soutenir la recherche par des dons qui sont déductibles des impôts. Si vous souhaitez donner spécifiquement pour les cancers pédiatriques, il vous faudra envoyer vos dons par chèque à l’adresse suivante : Institut Curie – Centre de traitement des dons 59 898 Lille Cedex 9, en spécifiant bien votre souhait. D’autre part, les dons de vie : dons de sang, de plaquettes et de moelle osseuse, sont aussi très précieux pour nos petits malades et on en manque actuellement.
Après avoir été confrontée à la mort de la façon la plus dure qui soit, peux tu dire aujourd’hui que ta vie spirituelle en est sortie modifiée?
Je ne suis pas une personne très spirituelle à la base, on peut même dire que je suis une grande sceptique ! Je ne croyais pas vraiment à la vie après la mort, mais après le décès de Soley j’ai reçu plusieurs signes, trop évocateurs pour que je puisse les balayer comme des coïncidences. Ainsi dans le livre je parle par exemple de ces trois mots tagués sur un volet fermé « Love you Mom » que j’accueillerais comme un précieux cadeau.
Ainsi, je peux dire que ma fille a continué à bouleverser mes croyances et à remettre en question mes convictions, comme elle le faisait déjà de son vivant.
Quel conseil pourrais tu donner à cette maman qui nous lit peut être et qui vit actuellement une histoire similaire?
Justement, c’est aussi une des raisons qui m’ont poussé à écrire : quand Soley était malade je n’ai pas trouvé le livre qui m’aurait aidé, le texte qui serait venu lever les tabous dont personne ne parlait. Aujourd’hui, les retours qui me touchent le plus sont d’ailleurs ceux de mamans qui me remercient d’avoir écrit ce qu’elles-mêmes ressentaient mais n’osaient pas verbaliser, par honte, par pudeur, par peur de choquer ou blesser leur entourage… Je suis une personne très directe (ce qui me cause aussi du tort !) mais si cela permet à une seule maman de se sentir moins seule sur ce chemin alors le livre aura accompli sa mission.
Pour clôturer cet échange, souhaiterais tu partager avec nous un mantra, ou une leçon de vie que t’as inspiré ta merveilleuse petite fille?
Dans ma lettre d’adieu à Soley, celle que j’ai lu à son enterrement, je lui dis qu’au terme d’une vie il n’y a que deux questions qui comptent : « Ai-je assez aimé ? » et « Ai-je fait une différence ? » et que du haut de ses onze mois, elle pouvait déjà répondre oui à ces deux questions.
C’est aussi une boussole qui me permet de me recentrer quand j’ai tendance à me perdre dans le préoccupations du quotidien.
Et puis c’est aussi et surtout par amour pour elle que je me suis relevée et que je me suis battue pour continuer à vivre, pour continuer à être la gardienne de sa flamme. Car finalement, ce qui compte c’est ça : c’est tout ce que peut l’amour.
Et enfin, pour finir, qu’est ce qu’une amazone parisienne pour toi?
Une guerrière de la lumière. Comme Soley.
Merci à Chloë, ma soulsister, pour son témoignage si précieux.
Douces pensées à notre merveilleuse petite guerrière des étoiles : Soley Always.